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La Presse
a day ago
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Des bouées de sauvetage qu'on laisse dériver
« Chaque année, des milliers d'enfants au Québec commencent l'école le ventre vide, l'angoisse au cœur et l'insécurité dans les jambes », écrit Audrey Renaud. Faute de financement suffisant et de reconnaissance de leur rôle essentiel, les organismes communautaires qui soutiennent des milliers d'enfant ne sauront bientôt plus répondre aux besoins, fait remarquer la directrice générale du Regroupement Partage. Audrey Renaud Directrice générale, Regroupement Partage Chaque année, des milliers d'enfants au Québec commencent l'école le ventre vide, l'angoisse au cœur et l'insécurité dans les jambes. Ils grandissent dans des foyers où les choix ne sont plus entre deux marques de céréales, mais entre le loyer et le lunch. Et pourtant, malgré la flambée du coût de la vie et l'érosion du filet social, ce sont les organismes communautaires qui tiennent encore debout pour les rattraper. Mais jusqu'à quand ? Il faut se rendre à l'évidence, le système actuel chambranle en silence et est franchement fragile. Plus de 30 % des banques alimentaires au Canada ont manqué de denrées l'année dernière avant d'avoir pu combler les demandes. Les données sont claires, d'ici 2027, si la tendance d'augmentation des demandes se maintient et qu'aucun changement n'est ajusté pour l'aide aux organismes, un rationnement de l'aide est envisagé. Rationner de l'aide déjà insuffisante est d'un abrutissement sans mot ! Nous ne faisons pas de miracles, nous comblons des absences. Celles d'un système qui ne répond plus aux besoins essentiels de la population. Il ne s'agit pas de charité, il s'agit de justice sociale. Nous le répétons souvent : la pauvreté n'est pas un choix. Mais quand on regarde les budgets, les priorités, les engagements publics, on se demande si la lutte contre la pauvreté, elle, en est un. En période de crise – qu'elle soit sanitaire, économique, géopolitique ou climatique –, les organismes communautaires deviennent des bouées de sauvetage. Mais à force de nager seuls à contre-courant, sans financement structurant, sans reconnaissance à la hauteur de notre rôle, c'est nous qu'on risque de voir sombrer. Et les enfants avec nous. Nous voyons l'ampleur des besoins grandir. Nous accueillons des familles qui, hier encore, se débrouillaient, et qui aujourd'hui n'y arrivent plus. Les demandes explosent, mais nos ressources, elles, s'amenuisent. Le personnel communautaire est épuisé, les bénévoles se raréfient, les dons ne suffisent plus. Comment peut-on s'attendre à ce que les enfants réussissent à l'école, s'épanouissent, aient confiance en l'avenir, quand leur présent est rongé par l'insécurité ? Ce ne sont pas des cas isolés. C'est une tendance lourde, une réalité silencieuse qui s'installe. Et il est temps d'en faire une priorité collective. Investir dans l'éducation, investir dans les organismes communautaires, c'est investir dans la prévention. C'est éviter des coûts sociaux et économiques bien plus élevés plus tard. C'est reconnaître que ceux qui sont sur le terrain, qui connaissent les familles par leur nom, qui agissent avec respect et dignité, sont des partenaires essentiels du filet social. Aucun programme gouvernemental ne sera jamais assez rapide pour répondre aux situations de crise vécues quotidiennement. Nous ne pouvons plus tolérer l'indifférence. Les enfants du Québec méritent mieux. Pas dans 10 ans. Maintenant. Lisez « Fournitures scolaires – Ruée vers les organismes » Qu'en pensez-vous ? Participez au dialogue


La Presse
03-08-2025
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« On veut redonner la dignité aux gens »
Une petite révolution pousse dans l'ouest de l'île de Montréal : un organisme communautaire cultive des légumes bios sur des terres appartenant à la Ville pour les redistribuer aux plus pauvres. Un modèle qui pourrait être reproduit ailleurs au Québec. Plus de 1 million. C'est le nombre de portions de légumes biologiques frais que l'organisme Regroupement Partage a distribué à des familles montréalaises l'an dernier, par l'entremise de Moisson Montréal. Une quantité appelée à se multiplier si le projet prend de l'ampleur. L'expérience est unique au Canada, selon la directrice générale Audrey Renaud. Et, espère-t-elle, elle pourrait faire des petits ailleurs au Québec. Tout a débuté il y a une dizaine d'années quand un homme a légué des terres à la Ville de Montréal, à la condition qu'elles gardent leur vocation agricole. Devenue propriétaire de ces hectares en friche, la Ville de Montréal a noué un partenariat avec le Regroupement Partage pour y cultiver des légumes. La ferme D-Trois-Pierres, un organisme de réinsertion sociale, a dirigé la ferme jusqu'en 2023. Après sa fermeture, le Regroupement Partage a racheté les équipements. Depuis, les activités agricoles y vont bon train. La ferme du Regroupement Partage PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE Comme nombre de producteurs agricoles du Québec, le Regroupement Partage emploie des travailleurs saisonniers, notamment guatémaltèques. César, Edwin et Mynor viennent année après année. PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE Le Regroupement Partage cultive des légumes en serre, dans des potagers et dans des champs. PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE Charles Bourdon est l'un des travailleurs saisonniers fidèles. Il est tombé amoureux de l'agriculture dans l'Ouest canadien, affirme ce quasi-trentenaire au milieu des courges musquées. PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE Les terres cultivées se trouvent au cœur du Grand parc de l'Ouest, au Cap–Saint-Jacques. PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE Les légumes sont cueillis tous les samedis pour être distribués aux banques alimentaires de Montréal, par l'entremise de Moisson Montréal. PHOTO FOURNIE PAR LE REGROUPEMENT PARTAGE Afin de financer l'organisme, un pourcentage des légumes est vendu dans la section biologique des épiceries Metro. On peut les reconnaître grâce au logo Cultiver l'espoir sur les sacs. PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE Comme nombre de producteurs agricoles du Québec, le Regroupement Partage emploie des travailleurs saisonniers, notamment guatémaltèques. César, Edwin et Mynor viennent année après année. 1 /6 Lors de notre passage, fin juillet, des travailleurs saisonniers se penchaient sur des allées de courges, coiffés de chapeaux à large bord. En plein cœur du Grand parc de l'Ouest, le cadre est enchanteur. Les feuilles de la forêt environnante frémissent sous une brise légère. Dans le potager protégé des chevreuils, les têtes dentelées des plants de courgettes cachent les fleurs orangées, enroulées au bout des légumes en croissance. Dans la serre, les poivrons dodus rougissent. À quelques kilomètres, patates, betteraves, choux et carottes se partagent quelque cinq hectares de champs. Tout n'est que nuances de vert, contre le ciel azuré. Dans cette quiétude, comme dans toute ferme, plusieurs travaillent très fort. « On est vraiment comme n'importe quel autre producteur agricole au Québec », explique Mme Renaud. À une exception près : l'organisme redistribue la majorité des légumes cultivés – gratuitement – aux plus démunis de la métropole. Un « système alimentaire parallèle » Le projet rappelle ces immeubles que les municipalités achètent pour en faire des logements hors marché, gérés par des organismes communautaires. Audrey Renaud estime que d'autres villes pourraient s'inspirer du modèle pour créer « un système alimentaire parallèle ». Comment ? En devenant propriétaires de parcelles agricoles, puis en confiant la gestion à des organismes à but non lucratif (OBNL), explique-t-elle. « À Montréal, on pourrait avoir des légumes racines, par exemple, puis dans la MRC de L'Assomption, du blé, puis à Québec, qui est plus montagneux, des fruits… », rêve Mme Renaud. En d'autres mots, produire de la nourriture qui ne serait pas vendue, mais donnée. Car, rappelle-t-elle, « manger est un droit ». Un droit bafoué chez de plus en plus de Québécois, aux prises avec la crise du logement et l'augmentation du coût de la vie. En effet, depuis 2019, les demandes de nourriture d'urgence ont augmenté de 90 %, selon Banques alimentaires Canada. Seulement en 2024, les banques alimentaires du pays ont enregistré 2 millions de visites, soit le chiffre le plus haut de toute leur histoire, peut-on lire sur le site l'organisme. « C'est de pire en pire », résume la directrice. 5,5 hectares cultivés sur 26 hectares Le Regroupement Partage souhaite augmenter sa production pour pouvoir distribuer encore plus de légumes aux Montréalais. Mais plusieurs obstacles l'empêchent d'aller de l'avant. D'abord, l'organisme – qui est aussi responsable de l'Opération Sac à dos – ne bénéficie d'aucune subvention du gouvernement provincial. PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE Seulement 5,5 hectares de champs, sur une possibilité de 26 hectares, sont cultivés à l'heure actuelle par le Regroupement Partage. Ensuite, une grande partie des champs légués par l'ancien propriétaire ne sont pas encore propices à la culture. Cette année, seulement 5,5 hectares sont entretenus, sur une possibilité de 26 hectares. Bonne nouvelle de ce côté : des travaux de la Ville de Montréal devraient débuter prochainement pour drainer et préparer ces terres agricoles, assure Mme Renaud. « Je ne peux même pas vous exprimer à quel point on est contents de ça ! » Or, augmenter la production mène à un autre casse-tête : celui du stockage. L'organisme n'a ni l'espace ni les moyens de réfrigérer une telle quantité de légumes. Et sa forme d'OBNL l'empêche, légalement, d'économiser pour acheter un jour un entrepôt, explique Mme Renaud. Un obstacle qu'espère contourner l'organisme en trouvant un partenaire prêt à partager ses installations. En attendant, les oiseaux pépient à la ferme du Cap–Saint-Jacques. Les légumes poussent. Et des milliers de familles reçoivent ces produits locaux, si frais qu'ils ont encore « un peu de terre dessus », illustre la directrice. Une façon de redonner de la dignité aux gens, car, souligne-t-elle, « ce n'est pas parce que tu n'as pas de sous que tu dois te retrouver avec les restants ».